Contexte inspiré de la Saga « Les Vampires de Manhattan » de M. de la Cruz
Il n'est pas obligatoire d'avoir lu les livres, les explications nécessaires se trouvent

Edward Bagwin, Rex, autrement dit dirigeant du Comité, marchait de long en large dans la grande pièce qui accueillait les membres importants de la Communauté des Sang Bleu, ces anges devenus vampires, condamné à l'exil à la suite de la Révolte de Lucifer, dont ils étaient accusés à tort d'être les complices. Il semblait réfléchir, et pourtant, son opinion était déjà forgée. Nul doute qu'il ne faisait qu'entretenir le suspense, car à ses yeux, il était insensé que cette proclamation faite par quelques jeunes recrues soit véridique. Il était impensable qu'ils soient revenus. Les Sang d'Argent étaient éliminés, à long terme, et ce depuis des décennies, déjà. Il en était persuadé et refusait catégoriquement d'entrer dans ce jeu. Il ne savait que peu ce que ces jeunes cherchaient en essayant de semer le doute au sein du Comité, mais il ne les laisserait pas faire, et comptait bien mettre tout en œuvre pour punir qui devait être puni.
Pour l'heure, cependant, il devait émettre son avis, et remettre sa décision de ne point bouger dans le sens de cette annonce. Les autres membres du Comité le suivraient, il en était persuadé, et cette histoire prendrait fin définitivement, il s'y attacherait personnellement.

Edward Bagwin stoppa ses pas et se tourna vers l'assemblée qui le suivait des yeux depuis maintenant quelques minutes. Il leur fit face de toute sa hauteur, imposant le silence, la force et la grandeur émanant de lui comme un halo de lumière. Un à un, il fixa les membres du Comité avant de prendre la parole.

« Il est impensable que les Sang d'Argent soient revenus parmi nous ! Ils ont été évincés il y a de cela des décennies, et cette nouvelle rumeur annonçant leur retour est tout à fait ridicule ! Je refuse d'entrer dans le jeu de ces jeunes en recherche de reconnaissance, et je plaide pour une punition à la hauteur de leurs accusations. Nous ne combattrons pas les Sang d'Argent, car ils ne sont plus. »

Le silence retomba. Sa dernière phrase demandait le silence, car la réplique n'était pas au goût du jour. Edward Bagwin avait déposé son verdict, et il était indiscutable. Chacun, dans la pièce, savait cela. Et chacun, de toute façon, était d'accord avec le Rex. La question était close. Aux yeux des dirigeants du monde des Sang Bleu, les Sang d'Argent n'existaient plus.

La nuit s'annonçait sombre. Le vent soufflait légèrement, faisant grincer les panneaux métalliques suspendus aux feux rouges. Pas un chat dans les rues de la ville qui ne dort jamais. Le silence était de plomb, hormis les bruits de la nature.
Soudain, une silhouette se dessina au loin, à l'angle de la 5th Avenue. Les cheveux au vent, elle se déplaçait de manière véloce, le souffle rapide, jetant des coups d'œil réguliers derrière elle. Il faisait noir, la lune n'étant pas de sortie cette nuit-là, mais la lumière des lampadaires laissait entrevoir un air inquiet sur le visage de la jeune fille qui marchait à vive allure. Elle se mit presque à courir lorsqu'elle entendit un souffle qui n'avait rien à voir avec le vent ou sa respiration. La peur se sentait à 20 mètres à la ronde, et ses pensées pouvaient presque se lire sur son visage. Elle savait qu'elle n'y échapperait pas.

S'assurant que personne ne pouvait la voir, au bord du désespoir, elle se mit à courir à une vitesse inhumaine. Elle ne l'était pas. C'était une Sang Bleu, et elle n'ignorait nullement qui était à sa poursuite. L'Abomination en personne. Un Sang d'Argent. Un vampire, comme elle, mais qui, à sa différence, avait tourné le dos au Paradis et s'était rallié à Lucifer. Une Abomination qui se nourrissait non pas du sang humain, mais du sang de ses congénères, les Sang Bleu, absorbant avec le liquide bleu tous ses souvenirs et, le plus souvent, sa vie.
La Sang Bleu savait qu'elle n'avait que très peu de chances. Les Sang d'Argent buvant le sang d'autres vampires, étaient doués d'une force et d'une rapidité inégales. Mais elle ne pouvait baisser les bras.
Elle courut pendant quelques minutes, avant de sentir le souffle généré par l'Abomination à ses côtés.

C'en était fini. On n'entendit que le cri de la Sang Bleu. Puis le silence retomba. Seuls les panneaux métalliques venant le briser.

La scène semblait se répéter. Comme il y a 4 ans et demi, les membres du Comité regardaient le Rex prendre son temps pour leur faire part de son opinion. Mais il ne sa'gissait aujourd'hui pas du même contexte. Les Sang d'Argent, bien présents, étaient toujours ignorés par le Comité.
Aujourd'hui, une nouvelle menace secouait le monde des Sang Bleu. Les Vultures, les « vautours ». D'après les rumeurs, la morsure de vampire aurait transformé quelques Sang Rouge, les humains, en vampire. Mais des vampires différents des Sang Bleu. Ces derniers avaient un Code à respecter, leur leitmotiv étant le respect des Sang Rouge. Les Vultures, eux, semblaient obsédés par leur soif et devenaient des sauvages une fois leur transformation opérée, l'appel du sang étant le plus fort. Ils étaient mortels, également, et ne suivaient pas de cycles comme le faisaient les Sang Bleu, qui se réincarnaient de cycle en cycle sous une enveloppe physique différente. Les Vultures étaient un nouveau phénomène encore inconnu de la Communauté des Sang Bleu.

Edward Bagwin ne savait qu'en penser. Il ne s'agissait plus d'une rumeur lancée par quelques ados en mal de reconnaissance. Cette fois, c'était l'un de ses amis proches qui lui avait affirmé l'existence de ces nouvelles « créatures » incontrôlables. Il ne parvenait toujours pas à comprendre comment une telle chose avait pu se produire. Jamais encore, dans toute l'histoire des Sang Bleu, qui remontait presque à l'origine du Monde lui-même, une telle chose ne s'était produite. Jamais encore, la morsure d'un vampire n'avait transformé un Sang Rouge. Comment cela était-il possible ?

L'instant n'était pas à la réflexion, cependant. Il devait se prononcer et annoncer la conduite à tenir. Une fois de plus, Edward ne voulut pas que la Communauté soit secouée. Que son rôle soit remis en cause. Ignorant le récit de son ami, sa décision fut prise. Il allait fermer les yeux, pour cette fois encore.
Le monde des Sang Bleu ignorait l'existence et la menace des Sang d'Argent et des Vultures. Mais la politique de l'autruche ne fonctionne qu'un temps. Il vient un jour où, la menace en face de soi, on est obligé de lever la tête pour faire face à ce qui nous attend.
Ce jour est arrivé.