13 octobre.

Cher journal,
Aujourd’hui maman est morte. Aujourd’hui, jamais plus elle ne reviendra, peut-être est-ce idiot qu’à 23 ans, je fasse un journal, que j’écrive ce que je ressens, mais il faut que j’en parle, seulement je n’ai plus personne vers qui me tourner pour parler de la douleur qui me ronge. Alors je t’en parle, mais pour comprendre pourquoi j’en arrive là, je dois te raconter ma vie, et y’a de quoi parler, 23 années, ce n’est pas rien !
Par où commencer ? Sans doute par le jour où ma vie commence, trois juin, une chaleur impossible à mexico, et je débarque. Bon bien sur je me souviens pas de cette période, mais ma mère m’a souvent dit que c’était le seul jour heureux de son couple, pourtant mon père n’est même pas venu à l’accouchement, il était en voyage… Elle m’a ramené dans son petit studio quelques jours plus tard. Ma mère, une femme admirable, qui se battait contre son cancer, avec tellement de courage, à cette époque, elle ne savait pas ce qui l’attendait, personne ne savait, et personne ne voulait savoir. Mon père était un homme bon, mais la société avait fait de lui quelqu’un de cupide, occupé et peu attentif aux autres. Je sais qu’il m’aime, il a juste oublié de me le dire, de me le montrer. Mes parents ont divorcés quand j’étais jeune, bizarrement ça ne m’a pas marqué, ça n’a pas suscité chez moi cette rage qu’on en général les jeunes, je ne suis pas devenu un rebelle pour si peu, je savais que ce n’était pas de ma faute. Je ne me suis jamais senti responsable, lui était d’abord occupé à monter les échelons de la société, ensuite peut être voudrait-il un enfant, ma mère elle le voulait maintenant, mauvais timing.
J’ai vécu avec ma mère, nous n’avions pas trop de problèmes avec la pension alimentaire que versait papa. Ce fut une enfance heureuse, sans père mais heureuse tout de même. Ma mère était toujours disponible pour moi, nous étions très proches. Elle me transmit sa passion pour sa patrie, la Grèce, surtout son histoire, les dieux, l’odyssée d’Ulysse. Tant d’histoires connues par le monde entier et qui fascinent. Elle avait étudié l’archéologie, le patrimoine et s’occupait de conserver plusieurs reliques, si bien qu’elle avait vécu à Athènes, ne parlant que de cette ville, Mexico ne lui plaisait pas.

28 octobre

Cher journal, maintenant tu connais mon enfance, je ne veux pas m’étendre aussi, il n’y a rien de plus à dire… Avant de continuer mon histoire, il faut que je te dise : Ma mère vient de Galaxidi. En fouillant ses affaires pour voir ce que je garde, j’ai trouvé plusieurs affaires, une photo de mon grand-père et d’elle lorsqu’elle était jeune, et un journal, apparemment, elle l’a écrit à ses 10 ans, elle à commencer, mais n’est pas régulière. Par exemple le premier est daté du 10 aout, et le deuxième du 31 décembre. Il y a aussi une lettre pour moi, elle savait que ses jours étaient comptés, elle m’explique ce que je dois faire, de continuer ma vie, de ne pas regarder en arrière, et de trouver chaussure à mon pieds. C’est vrai que j’ai du mal à la lire, elle est encore si présente dans mon esprit. J’ai décidé de partir pour sa ville natale, peut être me fixer là-bas, sur mes origines. Après tout, j’ai toujours rêvé de vivre en Grèce. Il faut que je finisse de tout emballer, jeter… Ensuite je pourrais partir. Pour ce qui est de l’argent, elle avait tout prévu, des assurances vies, pour une seule personne : Moi. J’ai de quoi entreprendre mon voyage, je vais vendre l’appartement, le Mexique n’est pas pour moi. Je pense m’établir en Grèce, peut-être pas dans la ville même de maman, sans doute serait-ce trop difficile. Je veux aussi passer à Athènes, voir tout ce que j’ai toujours vu en photos. Bon il est temps que je continue :
Ma mère et moi avons toujours habité à Mexico, bien qu’elle ne rêvait que d’une chose, partir en Grèce, mais nos économies étaient trop justes, et lorsqu’elles le permirent, elle tomba malade. Pour ma part, je pense qu’on aurait pu, mais qu’elle ne voulait pas me déraciner de ma ville, de mes amis, je la remercie, j’aurais été désemparé sans mes amis. Ah il faut que je t’en parle, il y avait Silvia, une mexicaine au sang chaud ! Je m’entendais bien avec elle, c’était une fille qui s’énervait vite et partait au quart de tour, ce fut aussi mon premier amour. Nous étions jeunes, dès le collège nous étions ensemble, finalement ça ne dura pas, j’eux plusieurs petites amies, mais pas un nombre élevé, juste des passades. Pour ce qui est des amis, nous formions une bande, Silvia, Julio, Penelope, Damian, Oracio, Rafeel… C’était mes meilleurs amis, de ma tendre enfance à mon lycée, on s’est toujours suivis, puis perdus de vue. Bien sûr, on garde contact, mais plus pour se donner bonne conscience que parce qu’on se manque, depuis chacun a continué sa vie sur un chemin différent de celui de ses amis. Nous étions une petite bande qui rigolait bien, on faisait les 400 coups ensemble, ma mère nous appelaient les affreux. Nombre de fois je lui ai ramené des mots à signés, elle se mettait à jurer en grec puis me grondait, avec son accent grec ; « - Adriàn, que vais-je faire de toi ? »
Cette période ne fut pas longue, je m’étais calmé, ma mère ne supportant plus de me voir ramener des mots, heures de colles m’enfermait chez nous. Niveau école, je n’aimais pas ça mais travaillais quand même, sans trop en faire non plus, comme tout ado qui se respecte j’avais : la flemme… Une fois cette période de trouble passée, je n’ai pas créé plus de problèmes. J’ai continué ma vie, sans remous notoires. C’est tout pour ce soir. Bonne nuit.

10 novembre

Je pars pour Galaxidi, je m’habitue à cette absence. Les cartons son faits, la maison en vente, mes objets personnels dans un studio que je loue en attendant. Toi, je t’emmène, juste au cas où, mais j’ai la ferme intention de ne pas t’ouvrir. Si je t’ouvre, j’ai un problème alors autant te fermer à jamais…